Lomepal

samedi 29.07 sur la Grande scène

Lomepal a tenu parole. Fin 2019, il disparaissait des écrans radar, prévoyant une réapparition conditionnée à l’arrivée d’un troisième album. Chose faite avec « Mauvais ordre », successeur de son « Jeannine » sorti presque quatre ans plus tôt. Un album né de deux années et demie de pause, de plaies à panser, de noeuds emmêlés puis démêlés, du Covid aussi. D’un besoin de trouver une nouvelle identité musicale. “ Il a fallu que je réalise à quel point j’étais perdu ”, va-t-il jusqu’à dire, “ et ça a influencé les paroles du disque ”.

Entre-temps, Lomepal est redevenu Antoine Valentinelli, les deux se sont embrouillés, réconciliés, passant ensemble le cap de la trentaine.

Si l’un a éteint ses réseaux sociaux, l’autre ne perd plus son temps à étaler son quotidien dans ses textes et préfère creuser dans les mines de charbon de sa cervelle, jusqu’à oser la fiction. Et qu’en a-t-il remonté ?
Une grosse remise en question afin de ne plus rester scotché sur la vie d’artiste et son micro-univers. Ouvrir les fenêtres, pousser les murs, stop sur la bande d’arrêt d’urgence. Des priorités nouvelles, des assurances tous risques, les bases pour un nouveau départ après une carrière démarrée en trombe.

“ J’ai peur de devenir l’image que je renvoie ” (Mauvais ordre)

Les comptes de jeunesse soldés, il se penche sur les troubles existentiels d’un trentenaire en proie aux doutes de sa génération et de sa simple condition. Antoine a lâché sa chambre dans l’appartement de maman et vit avec sa copine. “ Y’a pas de problèmes, que des solutions ” ose-t-il ironiser sur « Hasarder ».
Les rapports humains semblent mieux maitrisés même s’ils restent au coeur des grandes énigmes du siècle (« Mauvais ordre »). On y suit des gens comme toi et moi, l’un cherche à rencontrer une fille, l’autre tombe amoureux, un troisième se fait larguer.

Parle-t-on d’Antoine ? De Lomepal ? Peu importe, les deux ont fait la paix avec eux-mêmes. À chacun de s’y reconnaître. Ou pas. Dans le vocabulaire, la fausse pudeur, les déclarations bravaches, les coups de feu, le franc-parler, Lomepal reste un rappeur tant dans le fond que dans la force, jamais dans le registre du donneur de leçon. Parti de « sourd, aveugle et prétentieux », le chemin parcouru se mesure dans une vanne pleine d’autodérision et de prudence : “ Dur de faire semblant d’être un chef / mais je m’en sors comme un chef ” (« Pour de faux »).

Son break lui a aussi donné l’occasion d’un reset côté musique. Antoine se passionne pour les Beatles, les écoute compulsivement, épluche les documentaires. Il se frotte au piano, à la guitare et aux harmonies. Et étudie consciencieusement le solfège. Naturellement, un nouveau langage se met en place avec ses musiciens, plus fluide et plus précis. Lomepal sait exactement ce qu’il veut pour sa musique, comment exprimer ses envies avec le plus de justesse possible. C’est le déclic pour une remise en perspective à travers une ambition décuplée, la barre placée haute pour des compositions plus riches, d’abord rêvées sans ordinateur :

« Envie de planter quelques tomates et de faire du son sans ordi » (« Tee »).
Lomepal assume pleinement ce fantasme créatif, celui d’imaginer un disque libéré des contraintes technologiques pour revenir à plus d’authenticité, “ comme les vieilles chansons des années 60 qu’on écoute ”. Il est allé au bout de cette envie avant d’en revenir et de laisser les chansons trouver leur forme finale, hybride.

Sur scène, Lomepal avance sur un son balancé en groupe. Un groupe élargi autour du complice de toujours, le producteur Pierrick Devin, pour ce qui ressemble musicalement à du rock sans qu’on le classe en rock, lui l’autodidacte du chant et de la musique qui laboure le terrain qu’il connaît le mieux : le rap.

Voilà comment, dans « Mauvais ordre », on croise les ombres de Nicoletta, de Cindy Lauper ou de « Strawberry Fields Forever », on parle de golf, de tennis, sur un disque de chair et de sueur, emballé dans l’image d’un Lomepal qui se fait tout petit devant l’immense portrait de la copine d’Antoine, clin d’oeil à des affiches de films où la femme est idéalisée, telle une divinité. « Mauvais ordre », ou le récit en 15 titres d’une quête d’identité selon le hasard des événements qui vous tombent dessus dans la vie.