Chilla

vendredi 28.07 sur la Scène du lac

Il y a trois ans, CHILLA offrait avec MŪN un joli bol d’air frais au rap français, un disque osant les allers-retours entre la trap et le R&B, la vulnérabilité et l’intransigeance, la mélancolie et la luminosité d’une mélodie qui accroche l’oreille. La facilité aurait été de spéculer sur un son, un savoir-faire, quitte à virer à la caricature. EGO a beau avoir été pensé dans la foulée de MŪN, au point de porter le nom d’un morceau de ce premier album fondateur, il est impossible d’y voir une simple redite : c’est un disque riche en humeurs contrastées, né d’une longue période de création (une centaine de morceaux ont été enregistrés), de projets en tout genre (« AHOO », par exemple, cet hymne aux 6 millions de vues composé aux côtés de la fine fleur du rap au féminin) et de remises en question.

« Quelles émotions ai-je envie de transmettre ? » Cette question, CHILLA se l’est posée aux prémices du processus. Pour y répondre du mieux possible, la Française s’est entourée d’une fine équipe de collaborateurs - Youssoupha à la coécriture de « Enfoiré », Sofiane Pamart en duo, Vladimir Cauchemar et Fleetzy à la production -, a creusé plus profondément ses principales obsessions (le deuil, la famille, l’amour) et exploré une nouvelle façon d’écrire, plus directe, plus imagée, moins redevable aux figures de style. « EGO est un album doté d’une grande musicalité, très organique et assez ambitieux. Or, j’ai remarqué que j’ai tendance à me réfugier derrière la mélodie lorsque je fais un pas vers la chanson. Ça implique une écriture moins stylisée, davantage portée sur la sonorité des mots et leur puissance émotionnelle. »

Si la présence de Louane, de Tayc et de Barbara, via le sample d’une vieille interview, accentue les connexions avec la chanson, finalement souterraines depuis ses débuts et déjà audibles dans MŪN, EGO est trop foisonnant pour se contenter d’une écoute linéaire. Tendre une oreille à « Zouh » ou « Flemme », c’est entendre une rappeuse au flow ciselé, prête à découper les rimes avec style et nervosité. « Même si j'ai eu besoin de mettre la musicalité au centre de mon projet, je ressentais également l'envie de proposer des morceaux de cette trempe, très consistants, très contextuels. »

Cette capacité à passer de la chanson à la drill, de l’afro à la pop, ne fait pas pour autant d’EGO une œuvre dispersée. À l’écoute de « Cauchemars », « Doué » ou « Mémo », on sent une unité, une volonté de rester intègre (« J’montre pas le string, donc j’fais pas de streams ») et de se dévoiler sans rien masquer de ses nuances (« Pas peur d’être inconnue mais j’ai peur d’être incomprise »).

On ressent également l’envie d’accueillir le spleen et les tourments en featurings prestigieux. « C’est vrai que je me confronte plus que d’habitude à ce que je ressens », confie-t-elle, la voix sereine. Comme si ses mots l’aidaient à concevoir ce qu’elle a du mal à imaginer. Comme si elle avait compris que sa musique n’était jamais aussi percutante et touchante que lorsqu’elle s’exprime sans filtres, avec ce mélange de confidences et de retenues qui fait la grandeur de ce EGO promis aux plus hautes fonctions : celles de faire mouiller les yeux tout en incitant le grand public à danser le cœur léger.